Quelques mots sur la Propulsion photonique …

Voilier de Christophe Colomb, bien avant les voiliers solairesComme des bateaux poussés par le vent, de grands voiliers solaires prendront un jour leur envol dans l’espace… Avec leur fine voile réfléchissante, ils profiteront de la faible, très faible poussée qu’exerce la lumière solaire sur tout objet qu’elle croise sur sa course. Ce mode de propulsion aux ressources inépuisables leur permettra de naviguer dans l’espace pour croiser la Lune d’abord, puis poursuivre leur route sans limite à travers le système solaire…

La Propulsion Photonique

Voyager dans l’espace par le seul effet de la lumière solaire … Cette idée, curieuse au premier abord, n’a pourtant rien de fantaisiste. Dès le XVIIème siècle, Képler avait remarqué que la queue des comètes ne se déployait pas dans le sillage de leurs trajectoires, comme on pouvait logiquement s’y attendre, mais à l’opposé du rayonnement solaire. Il attribua ce phénomène à l’existence d’une pression de la lumière, repoussant les particules émises par la comète. Il fallait attendre la fin du XIX ème siècle, avec les travaux de Maxwell sur l’électromagnétisme, pour qu’une première assise théorique confirme cette hypothèse.

On sait aujourd’hui qu’au niveau de la Terre, la lumière émise par le Soleil exerce une pression de l’ordre de 9 micro-newtons par mètre carré, soit le poids d’une pièce de monnaie pour la surface d’un terrain de football. Cet effet apparemment négligeable ne l’est plus lorsqu’il s’applique, dans les conditions d’apesanteur spatiale où il n’y a pas de résistance, à des structures possédant un bon rapport surface/masse. Dans le meilleur des cas, cette propulsion photonique ne produira pas une accélération supérieure à quelques mm/s2. Celle-ci pourtant, contrairement aux modes de propulsion « classiques » (les réacteurs chimiques), s’exerce de façon constante et sans aucune limitation dans le temps : un calcul rapide montre qu’un « voilier solaire » pourrait par ce moyen atteindre dans un délai raisonnable des vitesses suffisantes pour vaincre l’attraction terrestre et entreprendre un voyage interplanétaire.

Des Voiliers dans l’Espace

Les premières réflexions sur la propulsion photonique ont vu le jour en Russie en 1915 avec les travaux de Yakov Perelman, puis, au milieu des années vingt, ceux de Fridrikh Tsanker, sans doute inspiré par le pionnier de l’astronautique Konstantin Tsiolkovsky (voir le bref historique de la propulsion photonique ). Au cours du siècle, de nombreux ingénieurs ou romanciers se sont intéressés au sujet : le terme « voilier solaire » était inventé par l’ingénieur américain Garwin dans un article scientifique publié en 1958; en 1963, Arthur C.Clarke imaginait déjà dans une courte nouvelle, « The Wind from the Sun », une course de voiliers solaires de la Terre à la Lune; dans son roman « La Planète des Singes » au milieu des années cinquante, Pierre Boulle faisait également apparaître des voiliers solaires (malheureusement absents du film !); …

Mais la propulsion photonique entre dans une véritable phase opérationnelle en 1973 lorsque la NASA, envisageant le rendez-vous d’une sonde spatiale avec la comète de Halley, engage un programme de recherche sur les voiles solaires. Pour de multiples raisons, le projet est abandonné en 1977. Il a su toutefois prouver sa faisabilité technique, et continue à vivre dans l’esprit de plusieurs chercheurs du Jet Propulsion Laboratory, qui décident de poursuivre leurs travaux avec des ressources privées au sein d’une association qu’ils créent pour la circonstance, World Space Foundation (WSF).

En 1981, l’intérêt des professionnels de l’astronautique pour les voiles solaires se traduit en Europe par la création de l’Union pour la Promotion de la Propulsion Photonique (U3P), association composée notamment d’ingénieurs du CNES et de l’ONERA dont le but, a l’instar de WSF, est de concevoir un voilier dans un cadre amateur. L’idée nouvelle proposée par l’U3P est d’organiser entre plusieurs voiliers compétiteurs, une course de la Terre à la Lune .

Une idée toujours d’actualité, qui se déplace aujourd’hui à la vitesse de la lumière sur les réseaux d’Internet, et qui un jour prochain prendra son envol pour l’espace …

Les voiliers solaires, un Défi Technologique

La propulsion photonique a déjà suscité de nombreux travaux de recherche, parfois en liaison avec des universités ou des Grandes Écoles (voir Références). Le sujet est vaste puisque sur le champ « classique » de l’astronautique viennent se greffer des questions souvent originales, propres à la technologie des voiliers solaires. Comme …

  • le calcul de structures ultra-légères, aux caractéristiques physiques et mécaniques inconcevables à la surface de la Terre : certains concepts proposent des voiles de quelques dizaines de mètres de large et plusieurs kilomètres de long, pour seulement dix microns d’épaisseur!
  • les sciences des matériaux, pour la fabrication de films plastiques de quelques microns d’épaisseur recouverts d’aluminium, ou de « mats » légers et résistants, en fibre de verre par exemple, permettant de rigidifier la structure du voilier.
  • ou dans un registre totalement différent, l’origami – nom japonais donné à l’art du pliage de papier – afin de réaliser le meilleur pliage (et donc, en l’occurrence, le meilleur dépliage ! ) de la voile confinée dans une petite capsule au moment de sa mise en orbite.
  • … et de nombreux autres domaines…

Applications de la Propulsion Photonique

De façon indirecte, l’étude des voiliers solaires peut avoir de nombreuses « retombées » technologiques. Il faut citer ici l’exemple du pliage de voiles inventé par l’ingénieur japonais Koryo Miura, qui, appliqué à une feuille de papier, constituerait le premier moyen pratique, et digne de cette fin de vingtième siècle, de manipuler une carte routière.

Dans le domaine spatial, la propulsion photonique quant à elle trouve de multiples applications telles que …

  • le contrôle d’attitude de satellites : on sait que l’orbite des satellites artificiels, pour ne pas « dériver », doit être corrigée de façon constante le plus souvent par de petits réacteurs aux capacités nécessairement limitées. Des brevets ont été déposés afin d’exploiter par des systèmes appropriés la pression photonique – faible mais permanente – pour effectuer ces corrections.
  • le maintien d’une sonde sur une orbite héliocentrique de période égale à celle de l’orbite terrestre, mais plus proche du Soleil. Les équipements de cette sonde permettraient de surveiller l’environnement spatial à plusieurs millions de kilomètres de la Terre, et en particulier de prévenir l’arrivée de flux importants de particules constituant le vent solaire. Ce scenario de mission, nommé VIGIWIND, a fait l’objet d’une présentation de l’U3P au congrès IAF-1996 de Pékin.
  • la modification de paramètres quelconques d’une orbite donnée. Ce principe a déjà été utilisé en 1970, durant le vol de Mariner 10 vers la planète Mercure, afin de contrôler la trajectoire de la sonde. Il pourrait également permettre d’envisager une approche de la planète Jupiter sur des angles nouveaux, afin de mieux tirer parti de son effet de « catapulte gravitationnelle » déjà souvent utilisé pour des missions interplanétaires.
  • la propulsion de sondes spatiales interplanétaires : les voiles solaires sont idéales pour véhiculer des sondes automatiques à travers le système solaire. La NASA l’envisageait dès les années 70 pour rejoindre la comète de Halley. On pense aujourd’hui à l’exploration des astéroïdes, voire même à une mission vers Pluton, la seule planète qui à ce jour n’a jamais été photographiée de près…
  • le transfert à très grande vitesse d’objets de faible masse : une sonde miniature d’une masse utile de quelques centaines de grammes attachée à une voile circulaire de cent mètres de rayon, pourrait par ce moyen – simple et économique – atteindre dans un laps de temps très court des vitesses considérables permettant, par exemple, de rejoindre l’orbite de Jupiter depuis la Terre en moins d’un mois. Pourquoi ne pas imaginer utiliser demain cette technique pour établir des communications matérielles avec un vaisseau interplanétaire habité ?

A mi-chemin entre le rêve d’aujourd’hui et la réalité de demain,
les voiliers solaires sont désormais sur la ligne de départ pour s’élancer dans l’espace …

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propulsion photonique, les voiliers solaires et la course Terre-Lune
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